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Les drôles de vacances (14)

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Documenter photographiquement le crise du coronavirus est un défi que je n'ai, à ce jour, pas su relever. Pas su ou pas voulu. Contrairement aux professionnels qui ont accès aux endroits "où cela se passe" (hôpitaux, états-majors militaires et civils, magasins, etc.), le presque septuagénaire que je suis, appartenant à la catégorie des "risques accrus", doit faire preuve de discipline et donner l'exemple. Quand je sors avec un appareil photo, c'est généralement dans la nature et un endroit isolé. Une des seules exceptions était ma sortie en ville samedi dernier entre 6 et 8 heures du matin, à un moment où Lausanne bruisse habituellement des préparatifs du marché. Photographier les points névralgiques déserts était une expérience assez étrange mais, j'en conviens, pas très originale.

J'avoue aussi que face à ce qui m'apparaît comme un climat anxiogène exagéré, mon réflexe naturel est de cultiver la normalité. Cela m'était déjà arrivé après les attentats du 11 septembre 2001 - à l'époque, je faisais beaucoup de vélo - aujourd'hui c'est en marchant dans mes coins préférés, souvent au bord de rivières, que je déconnecte des bouffées de panique que l'on observe ici et là. Deux jours avant que le Conseil fédéral ne restreigne la liberté de mouvement et de réunion, j'avais proposé au collectif Strates, auquel je loue un bout de studio, de réfléchir ensemble à ce défi. Les photographes qui le composent avaient des soucis plus immédiats et matériels en tête, la proposition est restée sans suite. 

D'autres s'y sont mis cependant. Je pense notamment au collectif "Lundi 13", qui regroupe sur son site des centaines d'images de photographes romands abordant cette crise sous différents angles. Il y a bien sûr à boire et à manger, pas mal de choses répétitives, mais aussi des travaux qui se dégagent de la moyenne. Je pense notamment à Alan Humerose qui, depuis son domicile fribourgeois, photographie par écran interposé la danseuse Analía Slonimsky à Buenos Aires. Ou a Yann Laubscher, membre du collectif Strates, qui a réalisé dans les tonalités pastel qu'il affectionne des portraits de "confinés" de la colocation En Baumettaz à Crissier-sur-Lausanne. Ou au journal d'une famille monoparentale avec deux enfants tenu par Sarah Carp idem pour Guillaume Perret). Ou encore à la série des Suisses masqués réalisée par Patrick Gilliéron Lopreno.

Au palmarès de l'originalité, ma préférence va toutefois à Vincent Morla, qui a transformé l'état de nécessité en stimulus créatif. Puisqu'on nous demande de rester chez nous, pourquoi ne pas utiliser les accessoires que nous avons sous la main pour recréer, en les détournant, quelques images célèbres. C'est le cas de la "jeune Afghane aux yeux verts" photographiée par Steve Mc Curry, revisitée dans une version très personnelle et hilarante (images ci-dessus). 

Comme de nombreuses bonnes idées - à commencer par l'invention de la photographie elle-même - celle-ci a surgi en plusieurs endroits à la fois. Ainsi, le musée Getty, contraint de fermer comme les autres, a suggéré aux internautes de s'inspirer d'oeuvres très connues de sa collection pour en livrer leur interprétation avec les moyens du bord. Cela donne souvent des résultats amusants, comme le montrent les exemples ci-dessous.

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Pour en revenir à la photographie documentaire, voici deux regards assez originaux sur la période que nous traversons, assez proches l'un de l'autre. Sous le titre "Tutti a casa", le lausannois Marko Stevic fait depuis l'extérieur le portrait d'habitants confinés - les relativement chanceux qui bénéficient d'un balcon et les autres qui doivent se contenter de s'accouder au rebord de leur fenêtre. "24 Heures" lui a consacré un article. La première photographie ci-dessous fait partie de cette série.

La seconde image a été prise à Brighton, un des premiers endroits de Grande-Bretagne touchés par le virus, par JJ Waller, qui y vit. Ici, pas de balcons, mais des gens dont le visage se devine parfois plus qu'il ne se voit derrière des portes vitrées plus ou moins opaques. Une très belle série à découvrir ici.

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© Marko Stevic

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© JJ Waller

...Et si vous ne vous sentez pas d'humeur à créer, ou que vous cherchez l'inspiration des maîtres, le site 121 Clicks propose une série de vidéos retraçant le travail de quelques-uns d'entre eux.

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