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Les drôles de vacances (27)

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Du côté des impatients...

D'abord, ce texte grinçant d'Antoine Jaccoud, ex-collègue de "L'Hebdo" qui a aussi été un de mes premiers modèles pour le portrait. D'autres textes de lui sont accessibles ici.

"D’abord on a déconfiné les jeunes, les minces,
les ceusses en chemises cintrées
les celles en petit body ajusté.
Et puis peu à peu on a relâché les moches,
les moyens, ceux avec des défauts mais pas trop,
celles avec des poignées d’amour mais normales quand même.
Vint ensuite le tour des hypertendus, des asthmatiques,
des diabétiques légers et des fumeurs occasionnels.
Une fois ceux-là dehors, on attendit un moment pour voir, les scrutant.
Rien de fâcheux ne survint.
Ceux qui le devaient prirent leurs gouttes et leur médication
et tous partirent bosser sans faire d’histoires.
Alors on laissa sortir quelques gros, un ou deux retraités,
des anciens patrons pour donner un coup de main à l’économie,
et même un petit groupe d’handicapés.
D’autres suivirent, par petites unités.
Ainsi, peu à peu, tout redevint normal.
Et à la fin, vers Noël,
on décida de sortir les vieux mais il n’en restait plus.

Alors avec les squelettes on fit de la gelée
parce que la gelée c’est bon avec les plats de fête."

Ensuite ce cri du coeur de l'écrivaine canado-suisse Louise Anne Bouchard:

 

"Ce qu’il manque à mes journées c’est toucher, embrasser, mordre, ébouriffer, sentir, humer un être, un autre. Me tenir à deux mètres de ceux que je tenais dans mes bras il y a à peine un mois m’est devenu insupportable. Je voudrais pouvoir entrer dans une cathédrale vide, comment avant, jeter dans le silence les noms de ceux qui manquent, sortir en claquant la porte, maudire dieu en plein soleil, mais ça non plus, je ne peux pas. Les objets chez moi ont déjà vu ma honte, mes chagrins, mes succès, ma rage aussi. Ils ont entendu mes rires, mes mots durs, m’ont entendu chanter souvent, maintenant ils découvrent mon impatience. Je regarde le lac et je sais ce qu’il me manque: du désordre. Chaque nuit je rêve de bouchons, d’autoroutes sales, d’engueulades, de garçons de café et de filles de table qui se pressent en salle ou derrière un comptoir, d’enfants impolis et rieurs, qui sentent bon la moutarde ou le chewing-gum, de groupes d’ados effrontés qui referont le monde, de doigts d’honneur qui fusent des pare-brises, de bousculades dans les resto-route, de discussions banales en faisant le plein d’essence, de petites négoces dans des marchés locaux. Ramenez-moi le désordre. J’avais oublié combien c’était beau et vivant.

(impatiente / revivre le monde)"

Bon week-end à toutes et tous !

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