D'encre et de plomb

"L’archidiacre considéra quelque temps en silence le gigantesque édifice ; puis, étendant avec un soupir sa main droite vers le livre imprimé qui était ouvert sur la table et sa main gauche vers Notre-Dame, il promena alors un triste regard du livre à l’église, en disant : Hélas, ceci tuera cela"...: L'imprimé se substituant à l'architecture, la raison à la foi. C'est ainsi que Victor Hugo évoque dans "Notre-Dame de Paris" les bouleversements qu'apporta la presse Gutenberg en 1450.

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Un peu plus de cinq siècles plus tard, c'est l'imprimerie elle-même qui est secouée par l'arrivée de l'ordinateur et du procédé offset. L'ère du plomb prend fin, avec elle disparaissent des métiers tandis que d'autres sont profondément transformés. Quand on songe au rôle que joua la Suisse romande, stimulée par l'arrivée des huguenots puis des encyclopédistes et autres penseurs des Lumières, dans la diffusion des imprimés et des idées, on ne peut qu'être saisi par la rapidité du changement. Quand j'ai commencé mon stage de journaliste dans les années 1970, les dernières linotypes cliquetaient encore au sou-sol, on "descendait au marbre" et les typographes, mieux payés que les gratte-papier à cause de leurs horaires nocturnes, parquaient leur Harley-Davidson avec la fierté d'un seigneur confiant son cheval de race au palefrenier.

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Vingt ans plus tard, il ne restait rien de tout cela. La plupart des machines ont fini à la casse, le savoir-faire s'est adapté - et dans certains cas perdu. Heureusement, quelques passionnés savent encore faire fonctionner cet héritage industriel. Mieux: ils en connaissent et respectent la culture, faite de rigueur, de précision  et de goût,. On les trouve dans l'atelier-musée Encre et Plomb de Chavannes-près-Renens, où ils organisent régulièrement des visites et démonstrations. La question que l'on ose à peine poser: qui les remplacera?