pecletphoto.com
Pully, en allant voir Gafsou

Un arbre, peut-être, du côté de chez Ramuz

Pissotière au Prieuré

"Nous rénovons pour vous"

Pause (musée de Pully)
Froid dehors. Envie de marcher. De terminer la bobine de film amorcée avec la manifestation des maçons à Lausanne. D'être stimulé par le travail d'un professionnel - pas un photographe du dimanche comme moi.
Le Musée de Pully expose, jusqu'au 11 décembre, celui de Mathieu Gafsou, qui mérite d'être vu parce qu'il (s')interroge en permanence: que communique l'image photographique, de quelle façon? Gafsou combine plusieurs techniques - documentaire, portrait, plasticienne - qu'il traite à sa manière, dans des dominantes claires, semi-effacées, ou au contraire obscures, n'hésitant pas à intervenir sur le tirage (avec du pétrole brut, dans sa dernière série, créant ainsi d'étonnants paysages "japonais" d'apocalypse). Surtout, il rassemble, met en scène les photographies dans une histoire cohérente dont se dégage une couche supplémentaire de lecture subtile, résultant de l'interaction entre les différentes points de vue.
En 2014, Mathieu Gafsou exposait au Musée de l'Elysée "Only God can judge me", plongée sombre et originale dans l'univers des toxicomanes lausannois. Depuis plusieurs années, il travaille sur le projet "Vivants", qui traite de notre rapport perturbé à l'environnement. Sujet plus difficile, parce que (trop?) dans l'air du temps, et dont je ne suis pas ressorti totalement convaincu. Intéressant néanmoins parce qu'au delà de la réalité visible et des positions personnelles qu'on peut adopter face à elle, le photographe essaie d'y retranscrire aussi les sentiments - anxiété, colère, amour - habitant la jeune génération confrontée au défi climatique
L'image de deux enfants (les siens) marchant sur un sentier a retenu mon regard. On peut y voir un rayon perçant le ciel plutôt lourd de la série. Surtout, la photo m'a aussitôt ramené à une autre, en noir-et-blanc, faite par W. Eugène Smith en 1946 dans des conditions très particulières. Grand reporter de guerre blessé sur le terrain, Smith sortait, physiquement diminué et moralement accablé, d'une pénible rééducation de deux ans. Il n'avait pas touché son appareil pendant cette période. Un jour, il l'a repris, habité par le besoin irrationnel et impératif de réussir la première image qu'il ferait après cette pause forcée. Il a photographié ses deux enfants, de dos, émergeant d'un tunnel de verdure vers la lumière. De Smith à Gafsou, le message est au fond le même: ne nous laissons pas gagner par le découragement, nous le devons à ceux à qui nous passerons le témoin.

W. Eugene Smith,
"Walk to paradise garden", 1946

Mathieu Gafsou,
de la série "Vivants"
Pully, 27 novembre 2022, Leica M3 + Summicron 50mm. f2, Kodak Delta 100, négatif scanné
© Mathieu Gafsou pour la photographie couleurs des deux enfants et Jean-Claude Péclet,
reproduction soumise à autorisation.