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Sur le pont...




Dithyrambes, processions, danses, chants et paroles chantées à la gloire des héros..., le théâtre grec faisait un large usage des masques.
Avignon, 2021. Ce sont les spectateurs qui arborent un bout de tissu sur le nez et la bouche pour le premier festival "d'après". Quant aux masques ci-dessus, ils sont africains bien sûr, étalés sur un drap blanc à la place des Halles (son parking à voitures, maquillé d'un mur de verdure). Les yeux clos de ces visages interpellent le passant. Messagers de l'au-delà, puissances divinatoires? Je résiste à l'envie d'en acheter un, ignorant comment ils sont arrivés là, quelle est leur fonction passée ou actuelle... Va savoir si sous leurs paupières ne se cache pas un mauvais sort. Afrique, éternelle terre de fantasmes. Cela ne fait pas les affaires des vendeurs s'abritant du soleil à l'intérieur de leur camionnette.
En lieu et place de masques, j'achète une autre relique, moins problématique celle-là: "Sur le pont d'Avignon", un pamphlet anti-festival (un peu anti-tout, d'ailleurs), publié en 2005 par Régis Debray.

2005, seize ans déjà. Dans ce texte, Régis Debray se définit comme un "gaulliste d'extrême-gauche" - comprenne qui pourra - et fulmine contre un festival qui, selon lui, a sombré dans le consumérisme, l'enflure et la provocation dérisoire.
Ah! Les années Jean Vilar, la belle ambition de présenter un théâtre po-pu-lai-re. "Quand on voyait passer Gérard Philippe dans la rue, on voyait Rodrigue, se souvient Debray. De 1956 à 2005, la trajectoire, restons pudique, n'est pas très exaltante, mais c'est aussi la nôtre. Celle d'un bêta moyen issu des classes moyennes d'un pays moyen (les ouvriers spécialisés ne font pas le pèlerinage d'Avignon). Une débâcle faite kermesse, en somme."
Au moins, l'auteur assume sa critique, le c'était-mieux-avant: "La fin d'un monde n'est jamais la fin du monde, qui en a connu plus d'une et reverdit de plus belle, et dans le final en mineur du partant, sonnent les trois coups de l'arrivant."
Gérard Philippe, le voici justement ci-dessus avec son épouse Anne, photographiés par Agnès Varda, dont les images des temps héroïques ponctuent la promenade dans le jardin des Doms surplombant le Palais des papes. En 2021, la kermesse est devenue nostalgique, persiflerait peut-être Debray.
Quoi qu'il en soit, le soleil rafraîchi de mistral met sur tout cela une lumière joyeuse, le Rhône scintille en contrebas.

La première image qui saute aux yeux quand on émerge du parking souterrain, c'est cela. La vieille ville est tapissée d'affiches. Il y en a partout, partout, aux murs, sur les barrières, les bornes, les poteaux, suspendues aux arbres en guirlandes, flottant aux fenêtres...
Relisons Debray. "La ville faisait province tranquille (la jungle du off n'avait pas encore poussé): parades, bateleurs, vendeurs à la sauvette, distributeurs de tracts étaient inconnus. Le festivalier, qui ne se voyait pas en client, avait la tâche facile. Tout se passait au Palais sur deux semaines, Tout: quatre ou cinq spectacles, dans la Cour, et autant de conférences, à côté dans le Verger. (...) Le style TNP s'ouvrait dans la nuit, à l'air libre, comme une fleur japonaise dans l'eau, et il émanait de ce cérémonial une grandeur pudique, sans grandiloquence."
En 2005, quand ces lignes sont écrites, le festival annonce une cinquantaine de spectacles dans le in et près de 800 dans le off.
Depuis, le parcours du combattant s'est encore compliqué, cher Régis. La jauge du off, qui était montée à 1500 spectacles, redescend en 2021 à un bon millier, après une pause forcée due au virus. Le catalogue, lecture obligatoire et bientôt annotée dans tous les sens, pèse un kilo.

Comment ne pas se noyer? Nous sommes venus à Avignon assister à la lecture d'un spectacle en préparation, "Moi, Kadhafi"... qui ne figure même pas sur le programme, n'étant pas encore destiné au public. Pour apprivoiser cette ville où je ne suis venu que deux ou trois fois, et en coup de vent, je recours à ma tactique usuelle consistant à humer l'air du petit matin, quand les rues appartiennent aux éboueurs et aux boutiquiers installant leur étalage.
Même à cette heure, le répit est de courte durée. Une dame m'aborde en souriant et me glisse vite fait dans la main un tract pour un spectacle de clown, "Aïe love you", très poétique m'assure-t-elle. Chacun ici semble connaître un metteur en scène, un comédien, un auteur dont il faut absolument découvrir la création. Désolé Madame, il faut bien se donner quelques critères de choix, et les miens bannissent rigoureusement tout ce qui ressemble de près ou de loin à un jeu de mots dans le titre du spectacle ou de la troupe. Je n'irai pas voir le clown; bien sûr, je ne le dis pas à la dame à qui je rends son sourire.

C'est beau Avignon. Au soleil levant, la rue des Teinturiers vidée de ses cohortes de festivaliers permet d'imaginer le grincement des roues à aubes. Il en reste quatre sur les 23 que comptait la Sorguette canalisée à cet endroit, rappellant que la ville fut animée par une importante industrie de la soie, puis par des fabriques d'indiennes donnant du travail aux teinturiers, garanciers, à quoi s'ajoutaient des tanneurs et autres corroyeurs travaillant le cuir.
Jean Althen, de son vrai nom Hovhannès Althounian - sa vie fut un roman - introduisit au XVIIIe siècle la culture de la garance dans le sud de la France. L'armée teignit de ce rouge pétant les pantalons de ses soldats jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'on en faisait ainsi des cibles idéales pour l'ennemi.
Suite au déclin du textile, un industriel à fi n nez habitant la rue des Teinturiers a connu une renommée mondiale: Jules-François Pernod, fondateur à Avignon de la marque d'apéritif qui porte son nom.


Assez vite, les rues s'animent. C'est qu'il n'y a pas de temps à perdre: les premières représentations s'enchaînent dès dix heures du matin pour qui se sent l'appétit d'assister à quatre, voire cinq spectacles par jour. Le mien n'est pas si grand. Pour l'instant, je me transforme en éponge, absorbe les propositions, apprends les premières frustrations du festivalier débutant. Mes poches débordent de papiers décrivant des spectacles qui ne m'intéressent guère tandis qu'après une demie-heure de queue et le suspense d'une liste d'attente, nous sommes retoqués au guichet du théâtre des Doms où nous voulions voir "Ouragan".
Ouragan? "C’est l'histoire d'une absurde nuit d’insomnie initiatique, dit le programme. Celle d’Abdeslam, livreur de nouilles à vélo. Seul dans son appartement, noyé dans la fumée de ses idées noires, il cherche sa place…"
Nous n'avons pas encore trouvé la nôtre.

" Romulus: Ce ne sont pas les nouvelles qui bouleversent le monde, ce sont les faits ! Et sur eux, nous ne pouvons rien puisqu'ils sont accomplis quand on nous les apprend. Les nouvelles sont tout juste bonnes à semer la panique; autant prendre l'habitude de s'en passer dans la mesure du possible."
(Friedrich Dürrenmatt, "Romulus Le Grand",
édition de 1964 dénichée au marché aux puces pour trois euros)

Alea jacta est. Notre premier rendez-vous avec le théâtre sera... de la danse, "Facéties" par la compagnie des frères François et Christian Ben Aïm. Pour ma part, je trouve cela drôle, enlevé, original. Les mouvements faussement maladroits et mécaniques du début s'affinent et s'affirment au fil des séquences et des musiques.
Mais l'ami qui nous a accompagnés déteste - il n'aime pas la danse en général, pourquoi est-il venu? - et le fait savoir en exsudant son impatience. Étonnant comme des ondes négatives peuvent se communiquer à l'entourage. Je consacre la moitié de mon énergie à m'en protéger et l'autre moitié à suivre le spectacle.
Leçon retenue: ne pas vouloir tout faire ensemble, à chacun ses goûts et son parcours.

Pour échanger les impressions de la journée, il y a heureusement les terrasses des cafés-restaurants. Innombrables, bourdonnantes d'activité. La table réservée par internet s'est égarée dans l'éther, mais peu importe. Le garçon-jongleur va trouver une solution, il l'a déjà trouvée. Tout le monde sur le pont, pas celui où l'on danse, l'autre, celui du coup de feu, commandes lancées à la cantonnade par-dessus le comptoir, valse des tickets, calcul de tête, l'ardoise qui remplace les menus (mesure d'hygiène), ça gueule, ça court, trois assiettes sur le bras, ça rigole un coup en passant, un théâtreux perruqué de travers déclame sa réclame en terrasse (merci, sans façons), un guitariste esquisse des rimes scabreuses dignes de l'album de la comtesse du Canard Enchaîné.
Qu'en dirait le grognon Régis?
"Deux ans avant le traité de Rome en 1956, la France de l'intérieur était une nation culturellement européenne, à forte armature, socialement crevassée, mais solidaire en profondeur. Celle de 2005 est un pays culturellement américain (en attendant de l'être gouvernementalement)." Pour ce qui est de Macron, vous aviez peut-être raison, Régis-le-râleur. Pour ce qui est du pays, j'ai des doutes. Bien sûr, il n'est plus le même, il s'est lissé, policé.
Mais vous ne pouviez prévoir l'effet d'un bête virus, un an et demi de semi-confinement, d'embêtements, zéro spectacle, festival 2020 supprimé. De la surabondance au silence. Alors oui, il règne une ambiance particulièreà Avignon cette année. Comme un sentiment de reconnaissance, le simple plaisir d'être là, de se retrouver pour boire un coup. Allez, je risque le mot: un soupçon de fraternité. Malgré la foule, les gens sont prévenants, s'excusent si d'aventure ils vous bousculent. Ils sourient. Le public d'Avignon n'est pas la France, naturellement, cette France qu'on dit démoralisée, aigrie, rongée de pessimisme. Mais il ne se résume pas non plus à la caricature de consommateurs coprophages dont vous brossiez le portrait peu amène il y a seize ans. Je l'aime bien, moi, ce public, cela me plait d'errer dans les rues au coude-à-coude avec lui en prenant le vent, les bons plans.

"Tirez sur moi, je vous dis. C'est votre métier. Écoutez donc: un père de famille, c'est jamais un vrai père de famille. Un assassin c'est jamais tout-à-fait un assassin. Ils jouent, vous comprenez. Tandis qu'un mort, c'est un mort pour de vrai. Être ou ne pas être, hein? Vous voyez ce que je veux dire. Il n'y a rien que je puisse être sinon un mort avec six pieds de terre par-dessus la tête. Tout ça je vous le dis, c'est de la comédie. Tout ça! Tout ce que je vous dis là. Vous croyez peut-être que je suis désespéré? Pas du tout: je joue la comédie du désespoir. Est-ce qu'on peut en sortir?"
(Jean-Paul Sartre, "Les Mains sales", acheté aux puces des Halles)

Le festival "in", tu n'y penses même pas. "Mister Tambourine Man", peut-être? Résumé: "Niko, serveur misanthrope, va rencontrer Dan, bonimenteur fatigué et merveilleux. Que faire? Mettre cet « étranger » à la porte ou l’écouter pour se trouver?"
Zéro place disponible, sauf un soir, à condition de se rendre hors les murs d'Avignon, car le festival se décentralise, c'est une des réponses qu'il tente d'apporter à ceux qui lui reprochent son gigantisme.
Dans la cour du cloître Saint-Louis, la queue pour les billets du "in" ne dit rien qui vaille. Mais sur le mur, un panneau fourmille de billets griffonnés où des particuliers revendent leurs places. Chic! En voici deux pour la danseuse Maguy Marin, ce soir. "Y aller voir de plus près" (c'est le titre du spectacle): prenons-la au mot. Je compose le numéro de portable figurant sur le papier et tombe sur Maude qui, oui, a toujours deux places à vendre. Robe rouge à pois blancs, elle travaille sur la terrasse de L'Entracte, place Louis-Pasteur, jusqu'à midi. Fonçons-y. L'affaire est presque conclue quand Maude ajoute la phrase qui refroidit: "C'est un spectacle ardu. En fait Maguy Marin n'y danse pas, elle récite un texte d'après une tragédie grecque. Je préfère vous avertir."
Elle a bien fait. Pas de Maguy Marin qui, sans nous, va "interroger avec férocité la nature de la violence et sa récurrence perpétuelle".

Cela étant, que penser en général du programme de cette 75ème édition? Trop béotien pour en juger, je suis néanmoins frappé par sa tonalité générale relativement classique, mesurée - à mille lieues des provocations contre lesquelles s'insurgeait Régis Debray en 2005. Comme si la pandémie avait assourdi les cris et fureurs.
Je relève aussi les arguments des distributeurs de tracts dans la rue. "C'est de l'humour anglais pendant une heure, ça fait du bien par les temps qui courent", "c'est drôle", "décalé", très poétique"... Besoin de se rassurer, de ne pas se prendre la tête?
Sonder l'intime, jusqu'à plus soif. Une certaine Salomé accélère le pas dans la rue pour nous inviter à son spectacle, et surtout à la discussion qui suit, elle offre même la boisson à celles et ceux qui se jettent à l'eau, "moi, ce qui m'intéresse, c'est de partager des émotions".
J'entends d'ici ricaner l'ami Debray: "Le droit à la culture qu'on avait cru être celui des idiots, vous et moi, à croiser des génies, à accéder librement au trésor de l'humanité devient le droit de l'idiot à infliger au badauds sa génialité, et à tenir son nombril pour un trésor."

Sans avoir le recul ni le dixième des références littéraires d'un Régis Debray, une chose me saute aux yeux depuis mes derniers passages à Avignon: la quasi-disparition des journaux. La touchante scène matinale était celle d'une festivalière tentant de faire cohabiter sur une minuscule table ronde de bistrot son café-croissant avec un exemplaire du Monde ou de Libé.
A part un exemplaire du Canard Enchaîné, je n'ai rien vu cette année. Envolée, la presse dite "de référence". Les programmes continuent de citer les avis positifs de critiques, mais c'est devenu un argument parmi d'autres - pour mémoire en quelque sorte. Dans les discussions, dans les tuyaux qu'on échange en faisant la queue, je n'ai entendu citer qu'une fois un article élogieux.

"Moi, Kadhafi". J'attendais cette lecture avec curiosité. Voilà un personnage de tragédie qui polarise, héros des uns, guignol sanguinaire pour les autres. Forcément plus complexe que l'image que nous avons retenue de ses dernières années et de sa fin misérable.
Martiniquais de naissance, Serge Abatucci présente l'imposante carrure qui sied au rôle. Barbe poivre et sel et longues tresses rasta, il dirige un théâtre à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, une école de comédiens et joue lui-même. Sa lecture se déroule dans... une ancienne chapelle, suis-je le seul à relever la collision ironique entre le sujet et le lieu? Dans ce spectacle en forme de mise en abyme, Serge campe un comédien frustré d'Outre-mer qui, répétant le rôle de Kadhafi, se laisse totalement emporter par la personnalité du dictateur-libérateur.
Pas facile d'émettre un avis sur le spectacle présenté par un ami. J'ai aimé la forte présence de Serge, la façon dont il module sa voix. Je suis moins convaincu par le texte de Véronique Kanor, dont je crains qu'il conforte dans leurs opinions aussi bien les anti-colonialistes acharnés que les cyniques pour qui le "guide" de la révolution libyenne ne fut qu'un tyran grotesque nageant dans le pétrole. On aimerait savoir quand son projet a dérapé, pourquoi - mais ce n'est pas le propos ici, dommage. Si le théâtre a pour ambition de faire bouger les lignes, ce n'est pas cette pièce qui y parviendra.

Nouvelle balade matinale, les camionnettes qui se faufilent dans le dédale de la vieille ville. Avignon en période de festival n'est pas qu'un lieu de culture, c'est aussi un ventre, énorme, qu'il convient de remplir. Les fûts de bière roulent sur le pavé, les canettes fraîches remplacent les vides, les affiches claquent sous les coups de mistral tandis que les marginaux de la ville, à peine concernés par cette agitation, choisissent le banc à l'ombre des platanes où ils vont tuer le temps.

14 juillet, Fête nationale. Un musicien ambulant joue "La Marseillaise" sur son orgue de barbarie. Nous échangeons quelques mots, il pense peu de bien de la manifestation anti-vaccin qui se tient à cent mètres de là sur la Place de l'Horloge. Est-ce donc à cela que se réduisent les revendications en 2021, qu'en pensez-vous Régis Debray?
Derrière les anti-vaxx se déploie un grand drapeau tricolore sur lequel court le texte de l'article premier de la Déclaration des droits et devoirs du citoyen de 1789. A ce propos... J'ai fait le jeu avec des amis et t'y soumets aussi, lecteur: que dit cet article?
Euh..., tous les hommes sont égaux?
Oui, mais pas seulement. Voici le texte complet: "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune."
Il y a d'abord ces deux mots souvent oubliés et essentiels: en droits. Ils signifient que les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Comme au Monopoly (je le choisis par provocation). Après cela, roulent les dés; il y a les chanceux et les poissards, ou certains sont plus malins que d'autres. L'égalité absolue n'est pas un droit et, comme le relève Yuval Noah Harari dans "Sapiens", on pourrait même argumenter que les principes d'égalité et de liberté figurant tous deux sur le drapeau tricolore renferment en eux-mêmes une contradiction fondamentale.
Il y a surtout la seconde phrase, encore plus problématique. Comment définir "l'utilité commune"? Après la pandémie, il se trouvera sans doute une majorité de citoyens pour admettre qu'une infirmière travaillant dans une maison de retraite remplit davantage ce critère que le communiquant d'un lobby automobile. Pourtant, le salaire de l'infirmière reste, de loin, inférieur à celui du communiquant, et l'ère post-virus ne changera rien à cela.
Voilà, me dis-je, un thème que j'aimerais voir aborder dans l'abondante programmation d'Avignon. Peut-être s'y trouve-t-il niché quelque part, et que je n'ai pas su le voir.


"Tu as vu le gars à la table derrière nous? C'est Eric-Emmanuel Schmitt."
Effectivement. Le prolixe auteur franco-belge est quatre fois présent à Avignon, comme comédien et auteur de trois pièces jouées dans différents théâtres. J'avoue ne jamais avoir rien lu de lui, voici l'occasion de me rattraper.
"Variations énigmatiques" a été publié en 1997 et n'a pas pris une ride. C'est l'histoire d'un prix Nobel de littérature misanthrope et vivant reclus sur une île, qui accepte contre toute attente de recevoir un journaliste travaillant pour une obscure feuille locale. Il commence par le traiter de haut, l'accabler de formules assassines. Mais dans cette pièce aux multiples rebondissements, l'habile ciseleur de mensonges va trouver son maître. Derrière le chassé-croisé de deux hommes, c'est en fait le mystère d'une femme qui se déploie, une réflexion stimulante sur l'amour, la passion et le faux-semblant.
Avec "La Ronde" de Schnitzler, magnifiquement jouée par Fanny Touron et Arnaud Chéron dans une mise en scène minimaliste mais efficace de Natascha Rudolf, c'est le spectacle que j'ai préféré.
C'est aussi en sortant de "La Ronde" que j'ai eu la frayeur de ce festival: j'avais oublié dans la salle de classe où se jouait la pièce un sac contenant le Leica argentique que j'avais emmené avec moi... et que je n'ai pas utilisé. Les images de ce billet ont été paresseusement faites avec un iPhone et traitées sur Lightroom dans des tonalités un brin passées correspondant à mon état d'esprit du moment. Cette semaine à Avignon était aussi un voyage dans le temps.

Avignon, 12-16 juillet 2021
© Jean-Claude Péclet. Reproduction soumise à autorisation.