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Les sources de la Venoge

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Je fais partie de celles et ceux qu'on peut appeler les "pèlerins de la Venoge en crue". En temps normal, cette rivière ne fait pas partie de mes préférées qui sont l'Orbe, le Nozon, la Menthue ou le Veyron, même si - comme l'a dit Gilles, poète du pays de Vaud - "c'est de l'eau qui coule à un joli niveau". Un niveau qui tend d'ailleurs à baisser avec le réchauffement climatique et les prélèvements que la Venoge subit le long de son cours.

Elle a toutefois sa petite spécialité, son motif de fierté: ses six sources dont la principale, le Chauderon, se love joliment dans une caverne de verdure qui se trouve à trois cents mètres du château de L'Isle, direction Jura. C'est une source vauclusienne, c'est-à-dire une résurgence d'un cours d'eau souterrain qui se faufile dans le calcaire jurassien. Remontant des profondeurs, l'eau s'épanouit comme un champignon liquide d'un beau vert sombre. Ceci en temps normal. Car quand les nuées se vident plusieurs jours de suite sur les crêtes qui la dominent, ou quand la fonte des neiges se mêle à la pluie, le conduit n'est plus assez large pour laisser passer toute l'eau descendue de la montagne. Alors, la source du Chauderon refoule, avec une telle puissance que l'eau jaillit cent mètres plus haut, au lieu-dit Le Puits, ainsi nommé parce  qu'en temps normal, il apparaît effectivement comme un trou noir dont le randonneur n'aperçoit pas le fond. Après quelques gros orages, le trop-plein se remplit et se déverse dans une dépression qui se mue en petit lac. À son tour, ce dernier laisse filer l'eau par-dessus un mur de gros moëllons, devenant un fougueux torrent, comme on le voit sur l'image ci-dessus, prise le 27 décembre 2022. Le torrent se rue en direction de la source principale, parcours que l'on peut aisément suivre à pied sur un kilomètre environ.

Le spectacle a quelque chose de galvanisant et attire sont lot de fidèles, de la région et au-delà. Trois ou quatre fois déjà, après une période de grosses pluies, je me suis dit: "il faut absolument que j'aille y voir!" C'est comme un appel des forces supérieures de la nature. Je prends mes bottes montantes de pêcheur pour m'approcher plus près de l'action, ce qui a failli me jouer un mauvais tour un jour d'imprudence: le courant m'a fait basculer, je me suis retrouvé sous l'eau, avec le Nikon vissé sur son trépied (sans dégât pour le boîtier).

Les images de ce billet ont été prises au Rolleiflex, nourri d'un film Ilford Pan F exposé à 50 ASA pour les plus récentes. Techniquement, je ne suis pas content du résultat. J'avais choisi cette pellicule basse sensibilité pour exposer à une vitesse lente (1/8ème de seconde, ouverture à f11 ou 16), mais avais emporté un trépied trop léger, et oublié un déclencheur souple: la stabilité absolue de l'appareil, qui seule permet de tirer parti du grain très fin, n'était ainsi plus garantie. Par ailleurs, je me suis fié au temps de développement indiqué sur mon site de référence pour tous types de films et de révélateurs, alors que j'aurais dû davantage tenir compte du fort écart de lumière entre les zones d'ombres et celle éclairées par un rayon de soleil, c'est-à-dire surexposer légèrement et sous-développer le film à 7 minutes 30 environ. Voilà pour les détails techniques, les tâtonnements sont le charme de la photo argentique.

Si je publie quand même trois images, c'est que j'ai retrouvé une prise de vue similaire faite en janvier 2018 à la source principale du Chauderon lors d'une crue encore plus spectaculaire (photo de gauche ci-dessous). La résurgence du Chauderon se situe à droite de l'image, sous les rochers, le torrent qui coule à gauche est le trop-plein déversé par le puits. Il est clairement plus volumineux sur l'image de 2018 que sur celle faite le 27 décembre 2022. Imaginez par ailleurs que l'été dernier, après une longue période sans une goutte de pluie, non seulement Le Puits, mais le Chaudron étaient à sec...

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P.S. en couleurs: trois images, dont deux faites sur le parcours du torrent entre Le Puits et le Chauderon, et une du lac qui se forme à la source supérieure du Puits en cas de crue.

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L'Isle, janvier 2018, 27 et 30  décembre 2022. Rolleiflex f2.8, Leica M10 + Elmarit 21mm.

© Jean-Claude Péclet 2022. Reproduction soumise à autorisation.

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