Géologies de l'Ouest

Mon père aurait eu 99 ans ce dimanche 14 janvier 2024. Est-ce à cause de cette pensée qui m'a rattrapé dans mon lit tôt ce matin, que j'ai entrepris un pèlerinage en terrains vagues de Renens-Sud - que je réalise habituellement autour de Nouvel-An, quand les rues sont désertes? Elles ne sont guère plus fréquentées aujourd'hui, à part les familles se rendant à la patinoire. C'est mieux ainsi, aucun petit chef de chantier ne m'interpellera si je franchis ici ou là la frontière sacro-sainte des barrières rouges et blanches.

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Mon père est né, a grandi dans cette banlieue en pleine transformation. Même pour les piétons, le chantier du futur tram représente un tortueux gymkhana,. Je traverse, comme la signalisation m'y oblige, le terrain de la "Pétanque renannaise" et du "Rayon de soleil" dont les plus anciens, portraiturés il y a quelques années, se souvenaient de lui, des soirées qu'il organisait à la grande salle pour la section locale de la Société générale de gymnastique. Le paradis des boulistes a été raboté pour faire de la place au tram écologique qui circulera tout de même sur des dizaines de centimètres de cailloux, béton et goudron - des hectares de sol stérilisés pour la bonne cause et pour des décennies. Les ingénieurs ont calculé large, très large. À Malley, la chaussée doublera de largeur, les remblais débordent déjà sur les piles du viaduc. Quatre tours  de 60 à 85 mètres sont en construction, simultanément. Plus loin, c'est une boucle de rebroussement du tram qui aura belle allure une fois achevée, et que soutient pour l'instant une jungle d'échafaudages métalliques.

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Cette partie de l'Ouest lausannois s'apprête à recevoir plusieurs milliers de nouveaux habitants et emplois. Les statisticiens signalent toujours une pénurie de logements, lisais-je avant-hier. Qu'aurait pensé mon père de ce chambardement? Je ne crois pas qu'il s'en serait formalisé. Le Renens qu'il a connu a de toutes façons cessé d'exister à la fin des années 60, il avait déménagé de l'autre côté de la ville, dans des quartiers plus bourgeois où il s'ennuyait un peu. Des zones villas et de PPE ou locatifs "standing" dont les habitants savent se défendre contre les projets, même modestes de densification. Aussi ces quartiers se recroquevillent-ils sur eux-mêmes tandis que leurs occupants vieillissent et meurent. Je crois que je préfère l'agitation bétonneuse de l'Ouest.

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Il y a cinq ans, je me battais contre la densification excessive de Malley. Elle est en cours. Je n'en suis ni triste, ni réjoui. Plutôt curieux de ce qui surgira de terre, dans deux ans, quand ce gigantesque chantier se calmera. Provisoirement.