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Marie-Claude

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Marie-Claude est comédienne (elle joue notamment dans les soirées-spectacles "Meurtres et mystères" de Suisse romande) et costumière. Le portrait d'elle ci-dessus, réalisé en octobre 2018, résulte de mon choix, pas du sien. C'est exprès que je le publie en premier, pour illustrer les attentes parfois divergentes et en partie non-exprimées qui sous-tendent les rapports entre le photographe et le modèle, les rendant à la fois périlleux et instructifs. Le portrait effraie nombre de photographes pour cette raison, qui devrait au contraire les stimuler.

 

Quelle était mon attente? Restituer l'énergie et la prestance d'une femme d'âge moyen, belle, dont on devine le caractère affirmé même sans la connaître à fond. Quand Marie-Claude, née au Québec, m'a dit qu'elle a peut-être du sang indien dans les veines - difficile à établir vu la politique d'assimilation forcée dont les Indiens canadiens ont été l'objet - cela ne m'a pas vraiment étonné et m'a renvoyé à un souvenir de jeunesse.

 

En 1978, Pauline Julien avait chanté à Crissier sur Lausanne "La Cree", l'ennui et la nostalgie d'une jeune indienne mariée à un marin français qu'elle ne voit presque jamais. Pauline Julien interprétait cette chanson dans une cape noire semblable à un tipi, comme pour se protéger d'un grand froid, hiératique dans la lumière du projecteur, sur un rythme sourd et obsédant. C'était assez marquant pour que l'image me revienne quarante ans plus tard. J'ai demandé à Marie-Claude d'amener une cape avec elle. La séquence réalisée avec cet accessoire n'est pas celle que je préfère dans notre séance, mais l'image ci-dessus me plaît à cause du défi qui habite le regard.

Et l'attente de Marie-Claude? Elle souhaitait renouveler son "book" et m'avait envoyé, à titre d'exemple, quelques portraits qui y figurent. J'en reproduis deux ci-dessous.

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Premier constat: sur ces images, Marie-Claude a quelques années de moins. Le visage est soit souriant, soit songeur. Surtout, il baigne dans une lumière douce et enveloppante qui est à la limite de "brûler" les hautes lumières de la peau, la rend en tous cas lisse et laiteuse. Ce sont des photos engageantes, qui donnent envie de lui signer illico un contrait pour un spectacle...

... Mais ce n'est pas mon approche, du moins pas celle du moment. J'aime travailler en lumière "low key", expressive, sur fond sombre, et demande volontiers aux modèles de ne pas se forcer à sourire. Avec Marie-Claude, c'était peut-être une erreur: certaines personnes, dont elle fait partie, tendent à "ouvrir" le visage, ont le sourire spontané - et c'est dommage de ne pas en profiter. Quand Marie-Claude ne sourit pas, je ne m'en suis rendu compte qu'en regardant les images après la séance, le menton et le bas du visage peuvent paraître durs, plus qu'ils ne le sont en réalité.

Ce qui a donné le choc évoqué dans le titre de cette page. En découvrant la sélection de quelque trente images que je lui avais envoyées, Marie-Claude a apprécié les cadrages, la lumière et les fonds mais - aïe ! - "ne se trouvait pas très belle". "Ben oui, a-t-elle ajouté dans un courriel franc, les plis, les cernes me sautaient au visage. J'ai fermé l'ordi pour y revenir plus tard."

 

Elle l'a rouvert avec son mari et son fils, le soir même. "Ils m'ont trouvé bien folle de ne pas aimer ce visage, m'ont rassuré et je suis arrivée à voir autre chose, à aimer ce qui s'en dégage."

M'a-t-elle écrit ces mots pour me rassurer moi-même? Peut-être. Quoi qu'il en soit, elle et ses deux "hommes" ont tout de même retenu un certain nom d'images. En voici d'abord deux tirées de la séance studio (deux flashes Elinchrom, un réflecteur, un fond, appareil Nikon D5500 avec objectifs fixes équivalent 75mm et 135mm.). J'imagine qu'elles peuvent convenir pour un "press book".

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Sur la seconde, de profil, j'aime bien le gilet et la composition de couleurs des habits avec le fond. Parmi les choix de Marie-Claude figure le portrait ci-dessous, plus souriant (qui correspond au mien et à celui de son fils).

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Sur le plan américain ci-dessous, Marie-Claude et moi sommes d'accord. J'ai choisi la version noir-blanc, un peu plus contrastée et légèrement "softée".

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Enfin, nous avons réalisé quelques images en extérieur avec un Rolleiflex, en lumière naturelle. Le parc de Sauvabelin et ses branchages, sous un soleil adouci d'automne, convenaient bien pour créer une atmosphère "indienne", rendue plus diffuse par le choix de l'ouverture maximale (f2.8). Ci-dessous, les deux portraits que nous avons retenus.

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La conclusion (provisoire) que je tire de cette séance, qui s'est finalement bien déroulée grâce à la patience et à la compréhension de Marie-Claude, est qu'il vaut mieux consacrer plus de temps à observer le visage et la personne que l'on est en train de photographier, quitte à faire moins d'images, jusqu'à se laisser surprendre par ce qu'on découvre et improviser de nouvelles poses, une ambiance alternative.

© Jean-Claude Péclet. Reproduction soumise à autorisation 

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