Amérique du Sud
Parcourir le continent sud-américain en partant de Caracas dans le sens contraire des aiguilles d'une montre: Venezuela, Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie, Chili, Argentine, Paraguay, Brésil. Un an sans contrainte et sans itinéraire préétabli, avec un sac à dos ou en bandoulière. Tel fut mon grand voyage de jeunesse en 1977, dans des conditions très différentes de celles d'aujourd'hui. Internet et le téléphone mobile n'existaient pas; le courrier envoyé tous les quinze jours environ et reçu poste restante tous les deux mois était le seul lien avec la famille, l'amie, le pays. Pas de carte de crédit non plus, on pliait les billets de banque et les traveller's checks dans la ceinture du jeans. La bible était le "South American Handbook", les tuyaux glanés le long du chemin faisaient le reste.
Dans le courrier que j'envoyais se trouvaient des bobines Kodachrome. Etonnamment, la plupart sont arrivées, et en bon état. A mon retour, j'ai monté ce qui se faisait beaucoup alors: un dia-show avec commentaire enregistré et bande-son, qui durait près d'une heure. Des années plus tard, j'ai égaré la cassette sonore et éliminé une bonne partie des 500 images qui le composaient. J'en avais gardé l'équivalent d'une boite (deux chargeurs de 50 dias chacun), que je croyais avoir perdue aussi. Longtemps, je l'ai cherchée en vain. Récemment, faisant de l'ordre dans un vieux bureau à la cave, je l'ai retrouvée.
Impossible bien sûr, de reconstituer le montage original qui suivait l'ordre chronologique du voyage, d'ailleurs cela n'aurait plus de sens. Les couleurs Kodachrome ont assez bien résisté au presque demi-siècle qui s'est écoulé. J'ai scanné les quelque 80 diapositives qui restaient et les présente ci-dessous en vrac, sans légendes, comme des instants fugaces saisis par la fenêtre d'un vieux bus sur une route andine.
La qualité des images est brute de décoffrage: j'étais parti avec un appareil mono-objectif bon marché, pour ne pas avoir trop de regrets si on me le volait. Cela n'a pas manqué, à Caracas déjà où j'ai voulu provoquer la chance en me baladant dans le bidonville du sinistre "Elicoide". Je m'y suis fait détrousser (pas méchamment) par deux jeunes qui, ai-je réalisé après, étaient aussi effrayés que moi. Par la suite, je me suis fait voler un ou deux autres appareils du même type. Ainsi, il y a des "trous" dans ce récit en images, les dias du Chili et d'Argentine sont perdus pour toujours. A Buenos Aires, de guerre lasse, j'ai puisé dans mes dernières économies pour acquérir dans une boutique un vieux Leica dont j'imaginais qu'il avait été amené là après 1945 par un nazi en fuite... Ce Leica m'a accompagné jusqu'à la fin du voyage, mais certaines images du Brésil ont pris l'humidité.
Je les ai néanmoins retrouvées avec plaisir, car beaucoup évoquent des rencontres, des souvenirs précis. J'espère qu'elles divertiront celles et ceux qui suivent ce site. Le montage est accompagné de cinq préludes pour guitare de Villa-Lobos et de la carte d'Amérique du Sud sur laquelle je reportais au stylo les bouts d'itinéraire au fur et à mesure que je l'improvisais.
© Jean-Claude Péclet. Reproduction soumise à autorisation