En suivant la Thur
Thur vient de l'indo-européen "Dhu" qui signifie "pressé". Depuis sa source, ou plutôt faudrait-il dire ses sources au flanc du Säntis jusqu'à son embouchure un peu en contrebas des chutes du Rhin, la rivière fait 135 kilomètres. Elle a donné son nom an canton de Thurgovie qu'elle irrigue, comme celui de Saint-Gall. Elle est d'humeur paisible, mais ses flots peuvent grossir rapidement par temps d'orage.
L'itinéraire suivi pour cette balade photographique se décompose en quatre tronçons correspondant à autant de journées et peut se faire à pied ou à vélo. J'ai opté pour une combinaison des deux. En voici une brève description accompagnée de quelques suggestions d'hébergements et visites. Pour de plus amples détails, on peut se reporter au numéro 2-2017 de la revue "Randonner", qui propose un itinéraire (exclusivement pédestre) légèrement différent de celui-ci.
Jour 1: Andelfingen - Ittingen
Le point de départ de cette étape est la petite ville d'Andelfingen, qui mérite une visite. Son château - plutôt un manoir - est entouré d'un parc romantique avec un charmant pavillon qui peut se louer pour des manifestations privées. En contrebas, admirer la "Velo-Buume Haus", où un original tenait un atelier de vélos.
C'est justement à bicyclette que, depuis les bords de la Thur qui passe au pied d'Andelfingen, on rejoint en une quinzaine de kilomètres les chutes du Rhin par la véloroute 86 de Swissmobile, en passant successivement par Alten, Marthalen (très belles maisons à colombages, comme en Alsace) et Dachsen. Ceux qui sont blasés des célèbres chutes peuvent pédaler plein ouest vers l'embouchure de la rivière près de Ellikon.
Ou ils peuvent se rendre directement par la "route du vin" No 26 à la chartreuse d'Ittingen, au-dessus de Frauenfeld, qui est le but de la journée. Prévoir du temps pour sa visite. Cet ancien couvent réaménagé avec goût en hôtel moderne et centre de séminaires ou de ressourcement accueille aussi bien des cadres zurichois que des amoureux de la nature. Avec ses vignes, ses grands jardins où poussent maintes herbes aromatiques, sa pisciculture, son bétail et sa source, la ferme fonctionne presque en autarcie. On peut goûter aux produits locaux dans le restaurant de la chartreuse en regardant tourner la grande roues à aubes. A vrai dire, il est difficile d'imaginer loger ailleurs que dans ce cadre de rêve, même s'il en coûte quelque 240 francs la nuit pour un couple. Labyrinthe de méditation et visite du musée compris.
Jour 2: Frauenfeld - Bischofszell
La piste cyclable de la Thur, No 95 Swissmobile, longe la rivière qui compte sur cette partie d'importants tronçons canalisés. On est ici dans une région plus industrielle: à Bussnang, non loin d'une passerelle suspendue sur la Thur, se trouve la grande usine de trains Stadler Rail. Bischofszell, but de l'étape, héberge une conserverie plus que centenaire appartenant aujourd'hui au groupe Migros.
En arrivant à Bischofszell, ne pas manquer le vieux pont de pierre du XVe siècle. La vieille ville elle-même avec son hôtel de ville baroque forme un assez bel ensemble qui vaut une visite.
L'hôtel-taverne Zur Linde (Au Tilleul) est bien situé et pas trop cher.
Jour 3: Bazenheid - Wattwil
Ce tronçon permet d'admirer la rivière, plus sauvage que dans son cours inférieur. Si vous n'avez pas de voiture pour transporter votre (vos) vélos, il faut y ajouter le premier bout Bischofszell-Bazenheid, moins intéressant.
En arrivant à Lütisburg, ne manquez pas un coin de paradis: descendre la route jusqu'à la rivière, passer le pont de bois puis sous les grandes arches du viaduc ferroviaire, poursuivre une centaine de mètres jusqu'au Guggenloch. Une coopérative a repris d'anciens moulins désaffectés et y exploite une petite centrale électrique, une fabrique de biscuits et un B&B pour ceux qui tombent sous le charme de l'endroit. Soyez discrets, vous êtes ici dans une propriété privée, mais admirez le jardin sauvage de sculptures tintinabulantes faites avec toutes sortes de pièces de récupération, le pont suspendu vermoulu et, tout au fond, la piscine naturelle alimentée par une petite cascade.
Plus loin, à Ötschwil, un autre jardin de sculptures métalliques vous attend. Si l'occupant des lieux est là, il peut vous faire visiter sa grange, caverne d'Ali Baba.
Lichtensteig vaut aussi un arrêt et une descente au bord de la rivière, d'où l'on a une très jolie vue sur la vieille ville. Celle-ci abrite notamment un magnifique atelier typographique à l'ancienne et le Musée du Toggenburg où l'on exposait quand j'y suis passé (printemps 2017) des documents sur la famine de 1816, due à une éruption volcanique en Indonésie et au dérangement climatique qui s'ensuivit, causant près de 3000 morts dans la région.
Jour 4: Wildhaus, les sources de la Thur
Cette dernière étape, après avoir remonté la vallée en contournant le massif de l'Alpstein, est pédestre. Depuis Wildhaus, on peut monter à pied au pâturage de Gamplüt (1340 mètres), mais les poètes préféreront prendre la télécabine de Gamplüt. Non pour gagner du temps, car l'installation est une des plus lentes du monde et doit transporter à tout casser une vingtaine de passagers à l'heure. Comme le précise la revue "Randonner", elle constitue en elle-même une parfaite expérience anti-stress. Et vous aurez la satisfaction écologique d'avoir voyagé à bord de la première télécabine du monde fonctionnant entièrement à l'énergie solaire !
Une fois en haut..., il ne reste plus qu'à redescendre en suivant le sentier d'abord jusqu'à Dreihütten, puis tous droit, en passant dans une forêt et sous une paroi rocheuse (ne pas prendre le chemin qui va à gauche) vers l'alpage de Thurwis. C'est dans cette combe, par ailleurs très belle, que différents ruisseaux se rejoignent pour former la Thur.
De Thurwis, la descente se fait par une route goudronnée (hélas) vers Laui et Chüeboden. Un peu plus loin, après un élevage de lamas,ne pas manquer la déviation à gauche vers la cascade de la Thur. La course se termine au village de Unterwasser, d'où le car postal permet de rejoindre Wildhaus. Plusieurs possibilités d'hébergement, notamment à l^hôtel Sonne.